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Photo du rédacteurComité Défense Hôpital Guingamp

Faire confiance aux professionnels, aux élus, aux patients et au terrain : qu'en dit le ministre ?

Intervention de M. Braun à l’Assemblée Nationale le 02/08/2022


Que retenir de l’intervention du ministre de la santé à l’Assemblée Nationale en réponse à la question de notre députée concernant les restructurations en cours et notamment la situation de l’hôpital de Guingamp ?


En introduction, M. Braun a ressorti l’argument de la sécurité justifiant la fermeture des petites maternités et assumant pleinement les restructurations qui se succèdent depuis 4 décennies.

Surprenant, parce qu’il y a moins d’un mois, dans son discours de politique générale, Elisabeth Borne affirmait en effet : « les solutions viendront des professionnels, des élus, des patients et du terrain » .Mais en relisant cette phrase, on peut aussi comprendre que l’État n’est nullement prêt à assumer sa part (en dehors des bâtiments – cf les rapports Rossetti).


Concernant les inégalités d’accès aux soins, quelles solutions le ministre a-t-il proposées ?


1. Le déploiement de l’expérimentation des maisons de naissance.

Proposition séduisante a priori. Problème : en France, les maisons de naissance doivent être attenantes à une maternité… On aurait donc le choix sur un même site entre « l’usine à bébés » et la maison de naissance (qui travaille comme notre maternité… Oui, celle qu’ils veulent fermer…). Cette situation crée une tension supplémentaire sur les effectifs des équipes à répartir entre maternité classique et maison de naissance selon l’affluence.

Mais le casse-tête généralisé sera évité, puisque l’expérimentation restera très modeste avec une volonté affichée de passer de 8 sites à une vingtaine. Le temps de mettre en place les expérimentations puis de les évaluer, on comprend que l’urgence de cette mesure est très relative. Elle avait surtout pour fonction de faire croire à une volonté de proposer un accouchement physiologique aux femmes qui le désirent.

De toute façon cette possibilité de la maison de naissance ne concerne pas Guingamp s’ils ferment la maternité. Mais on peut s’attendre à ce que la direction du GHT propose cette solution à notre équipe afin de lui faire accepter un transfert à St-Brieuc. Ils ont déjà esquissé la possibilité lors des entretiens.


2. « Des inégalités territoriales persistent, et je travaille sur ce sujet ».

Cette phrase permet d’apprécier la dimension politique de la question. Les inégalités persistent, elles semblent survenir sans raison… et se maintenir par endroits.

La présentation est malhonnête. Les inégalités naissent de décisions politiques, et elles deviennent la règle plutôt que l’exception suite à une succession de décisions politiques qui vont toujours dans le sens de la réduction de la dépense publique et donc de l’offre de service public.

Dans la même veine, M. Braun parle de « territoires isolés ». Or ces territoires ne sont pas isolés par la géographie naturelle. Ils le deviennent parce qu’ils sont l’objet de décisions politiques qui isolent chaque jour un peu plus leurs habitants privés d’accès aux services publics.


3. L’expérimentation d’équipes mobiles de néonatalogie à domicile.

Encore une expérimentation, et avec quels moyens humains ? On voit mal en quoi cette solution en est une.


4. La mise en place pour les femmes issues de territoires isolés de la prise en charge d’un hébergement à proximité de la maternité en amont de l’accouchement, ainsi que des frais de transport vers la maternité et le lieu d’hébergement.

Celle-ci est proprement incroyable (et malheureusement déjà en vigueur par endroits) pour peu qu’on se mette une seconde dans la situation d’une de ces futures mamans…

A combien : 1, 2, 3 semaines du terme prévu ??? Il faudra bien calculer… Ou programmer et déclencher ? Quelle maltraitance ! Tout ce temps dans un hôtel bas de gamme, sans possibilité de faire des repas, en rupture avec son environnement familier. Isolée. De sa famille, de ses amis. Suivie jusque là par une équipe qui ne sera pas là pour l’accouchement. Prise en charge dans une maternité qui fait plus de 3 000 accouchements par an alors qu’elle aurait pu l’être dans une structure à taille humaine.

Sérieusement, en France, 6ème puissance mondiale, au XXIème siècle, est-ce là ce qu’on a de mieux à proposer aux femmes qui attendent un enfant ?

Indigne, c’est le mot.


5. La prise en charge également d’un fléau mal connu qui est la dépression du post-partum.

Là, on cherche en vain une cohérence…

En fermant les petites maternités pour isoler les futures mamans dans des hôtels et les orienter vers des accouchements surmédicalisés, on peut être certain d’une chose : on assistera à une progression inédite de la dépression post-partum ainsi qu’à l’apparition d’un nouveau fléau, la dépression pré-partum. Bien joué !


6. Le renforcement de l’attractivité des métiers du soin, notamment pour les maternités.

Le ministre aligne des chiffres contestables et ressort des arguments qui ont déjà servi, notamment la fin du « numerus clausus ». Mais il ne suffit pas de dire « fin du numerus clausus » et « ouverture de places supplémentaires ».

Le diable est dans les détails. Combien ? Combien de personnels pour répondre à quels besoins ? Où est le plan d’urgence pour former et recruter massivement afin de garantir à la population l’accès aux soins en tout point du territoire ?


C’est précisément ce qui manque dans les propositions du gouvernement, et sans doute ce qu’il fallait comprendre en creux dans la déclaration de politique générale d’Elisabeth Borne : l’État ne mettra pas les moyens dans un vaste plan de reconquête de l’égalité territoriale en matière sanitaire.

L’expression « gradation des soins » est le cheval de Troie de cette stratégie : on s’appuie sur un bon sens apparent pour faire accepter aux usagers de ne plus avoir accès au XXIème siècle aux services de santé qu’ils ont connus au XXème siècle… La pénurie médicale n’est pas une cause mais un moyen d’atteindre cet objectif. Pas étonnant qu’ils évitent de s’y attaquer.

Inutile de préciser que M. Braun n’a pas répondu à la question concernant l’avenir de l’hôpital de Guingamp…


Yann-Fãnch Durand







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